Pierre Maraval, Le Christianisme de Constantin à la conquête arabe

Paris, PUF, La Nouvelle Clio, 1997, 460 p.

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

L'ouvrage est considérable, à tous points de vue. Il constitue comme le second tome d'une histoire du christianisme, car il fait suite au livre publié par Marcel Simon et André Benoît près de trente ans plus tôt, dans la même collection, sous le titre Le Judaïsme et le Christianisme antique d'Antiochus Épiphane à Constantin (1968 et 21994). Ce second tome est une réussite, tout comme le premier. On dispose, certes, de collections plus développées, comme, après celle de Fliche et Martin, la récente Histoire du christianisme, en cours de publication (J.-M. Mayeur et collab., Desclée). Mais un parcours plus resserré a aussi son intérêt. Par la concision et la précision du propos, l'exposé de P. Maraval offre un panorama plus synthétique. Dans une première partie, l'A. décrit l'expansion du christianisme, sous l'effet de la politique religieuse des empereurs et des rois barbares. Il en présente les acteurs et en décrit les méthodes. Chaque territoire de l'Empire, de l'Orient à l'Occident, est pris en compte. La seconde partie traite du développement des institutions : les Églises locales avec leur organisation, les institutions conciliaires, la hiérarchisation des sièges épiscopaux autour des métropoles, les institutions cultuelles et ensuite le monachisme. La troisième partie présente le développement de la doctrine, selon la succession chronologique des principaux conflits : la crise donatiste, les longs débats christologiques, depuis le surgissement de la crise arienne jusqu'au concile de Chalcédoine, le débat provoqué par Pélage sur la grâce et la liberté, puis la suite des controverses christologiques jusqu'au concile de Constantinople de 680.

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La présentation, en page 4 de couverture, indique : " ce volume vise à apporter une information exacte et dépassionnée sur une période capitale de l'histoire du christianisme ". Cette intention est vérifiée tout au long des pages. On y apprécie la démarche objective de l'historien qui ne recherche pas la démonstration dogmatique ou apologétique, mais s'applique à présenter les faits dans leur contexte. À ce titre, le volume intéresse les canonistes, car il leur offre un regard lucide et non orienté sur les différentes situations institutionnelles apparues pendant la période étudiée. Ainsi, l'histoire des conflits doctrinaux met en évidence des enjeux de divers ordres, dont la politique impériale, dans sa recherche obstinée et parfois brutale d'unité religieuse, commandée par le souci de l'ordre public.

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Éviter la projection de notions théologiques modernes en couvrant un champ historique aussi large est une véritable prouesse. P. Maraval l'a presque réussie. Comme il me paraît indispensable de débusquer tout ce qui subsiste encore, en fait de projections indues, dans la manière d'aborder les institutions chrétiennes du premier millénaire, j'en signalerai quelques unes. P. 162 on lit : les laïcs n'avaient pas le droit " d'administrer les sacrements ". Ce vocabulaire est tridentin. La question ne se posait pas en ces termes dans l'Antiquité : les célébrations étaient des actions communes de toute l'assemblée et plusieurs ministres intervenaient ensemble, chacun selon sa fonction. P. 164, l'A. considère les moines, au ive siècle, comme des laïcs, les clercs étant peu nombreux parmi eux. Mais cette époque n'avait pas encore forcé la distinction entre clercs et laïcs au point de la reporter sur le monachisme ; au contraire, dans la façon très pragmatique dont on faisait alors du droit canonique, on considérait les moines comme relevant d'un droit particulier, comme on en établissait un pour les clercs. À propos de la p. 216, on peut signaler qu'à la même époque le terme leitourgia n'était pas encore spécialisé pour désigner l'ensemble du culte, il était resté en usage dans le vocabulaire administratif, même chez les auteurs chrétiens. Songeait-on d'ailleurs à nommer l'ensemble du culte, comme le font les théologiens modernes ? P. 224, a-t-on raison de distinguer, dans la préparation au baptême, entre ascèse, doctrine et rites ? Les Anciens ne vivaient-ils pas cette préparation comme un ensemble unifié ? Ce ne sont là que quelques détails ; je ne les signale que pour abonder dans le sens de l'auteur, si soucieux d'apporter une information exacte, sans préjugés. Lui-même y a largement réussi.

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Marcel Metzger