Congrégation pour la doctrine de la foi, La Pastorale des divorcés remariés

Introduction du Cardinal Joseph Ratzinger, Centurion-Cerf-Mame, Paris, 1999, 133 p.

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Il s'agit de l'édition française d'un livre paru d'abord en italien à la Libreria Editrice Vaticana en 1998 : Sulla pastorale dei divorziati risposati. L'ouvrage commence par un préambule de Tarcisio Bertone, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le noyau du livre est formé de trois documents du Magistère qui font le point de la situation récente des divorcés remariés : la lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 14 septembre 1994 au sujet de l'accès des divorcés remariés à la communion eucharistique, le n° 84 de l'exhortation apostolique Familiaris consortio de 1981 et le discours de Jean Paul II sur les divorcés remariés lors de la treizième assemblée générale du Conseil pontifical de la famille. Le tout est précédé d'une introduction du cardinal Joseph Ratzinger et est suivi de commentaires et d'études de Dionigi Tettamanzi sur la fidélité dans la vérité, de l'ancien doyen de la Rote Mario F. Pompedda sur la problématique canonique, d'Angel Rodriguez Luno sur l'épikie dans la pastorale des divorcés remariés, de Pietro Giorgio Marcuzzi sur l'application de l'épikie et de l'équité dans la lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi déjà citée, et de Gil Pelland sur la pratique de l'Église ancienne concernant les divorcés remariés.

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L'intérêt propre du livre se trouve cependant dans l'introduction du cardinal Ratzinger, qui d'une part expose, avec sa clarté habituelle, la doctrine de l'Église quant à la situation juridique des divorcés remariés et la question de leur admission aux sacrements, d'autre part examine les opinions divergentes sur la question.

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Le contenu de la doctrine catholique est présentée en huit thèses : 1. Les divorcés remariés " croyants " se trouvent dans une situation objectivement contraire à l'indissolubilité du mariage. 2. Les divorcés remariés restent membres du Peuple de Dieu et participent à l'expérience de l'amour du Christ et de la sollicitude maternelle de l'Église. 3. En tant que baptisés, les divorcés remariés sont appelés à participer activement à la vie de l'Église, et cela d'une manière qui corresponde à leur situation objective. 4. En raison de leur situation objective, les divorcés remariés ne peuvent être admis à la sainte communion. Ils ne peuvent approcher de leur propre initiative de la Table du Seigneur. 5. En raison de leur situation objective, les divorcés remariés ne peuvent assumer " certaines fonctions ecclésiales ". 6. Si les divorcés remariés se séparent ou si du moins ils vivent ensemble comme frère et sœur, ils peuvent être admis aux sacrements. 7. Les divorcés remariés qui ont la conviction subjective que leur première union est invalide doivent régler leur situation au for externe, c'est-à-dire canoniquement. 8. Les divorcés remariés ne doivent en aucun cas perdre l'espérance en leur salut.

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Cette partie de l'introduction du cardinal Ratzinger se présente comme un mélange de citations des documents officiels et de commentaires personnels. Je voudrais relever seulement deux éléments de la liste ci-dessus. D'abord, l'accès aux sacrements sur la base d'une décision prise en conscience est explicitement exclu, et cela en considération du fait que le mariage n'est pas une affaire purement personnelle. Ensuite, parmi les fonctions que les divorcés remariés ne peuvent exercer, le cardinal cite celle de témoin de mariage, alors que cette exclusion n'est pas prévue par le droit canonique. De même, si l'on estime que les divorcés remariés n'ont pas le droit d'être parrains de baptême, se pose la question non résolue jusqu'ici de savoir comment ils peuvent assurer l'éducation religieuse de leur enfants en tant que parents.

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Dans la seconde partie de l'introduction, consacrée à la présentation de thèses opposées à la doctrine de l'Église, le cardinal rassemble en même temps des éléments de réponse à ces thèses. Dès le départ, il pose la question de savoir s'il y a eu des exceptions dans la mise en pratique de l'affirmation radicale, par Jésus, de l'indissolubilité du mariage. La position de Paul dans la 1ère épître aux Corinthiens (appelée plus tard privilège paulin) concerne les mariages de non baptisés dont l'un est baptisé par la suite. L'exception matthéenne de la fornication est plus difficile à interpréter. Le cardinal Ratzinger indique qu'il pourrait s'agir plutôt d'un cas d'invalidité du mariage que d'une exception à l'indissolubilité. Doit-on y voir l'origine de l'actuelle procédure de déclaration de nullité des mariages ? Une autre question est la suivante : la tradition patristique a-t-elle admis une pratique plus adaptée aux cas particuliers ? Les développements de la pratique orthodoxe, dans leurs effets, sont en tout cas présentés par le cardinal comme une déviation. Quant à la possibilité d'admettre des exceptions au nom de l'épikie ou de l'équité canonique, c'est bien sûr principalement la lettre des trois évêques allemands qui est visée, lettre à laquelle la lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi déjà citée a clairement répondu. C'est le rôle des autres articles du livre, que j'ai indiqués plus haut, que de venir appuyer ces interprétations.

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L'introduction combat ensuite énergiquement l'affirmation selon laquelle la doctrine actuelle concernant le mariage ne serait plus conforme à l'enseignement du concile, mais défendrait plutôt une conception pré-conciliaire du mariage. Puis sont abordées diverses propositions. Les possibilités de dissolution des mariages, en particulier par le pape, doivent rester limitées à ce qui est traditionnellement reconnu : le mariage sacramentel et consommé est indissoluble et ne peut être dissous par personne. Au moment de la célébration du mariage, les époux se promettent fidélité jusqu'à la mort. Des études seraient néanmoins nécessaires sur la question du mariage des baptisés incroyants. Les baptisés qui ne croient pas ou plus en Dieu peuvent-ils vraiment s'engager dans un mariage sacramentel ? En d'autres termes, le cardinal Ratzinger souligne qu'il faut clarifier la question suivante : tout mariage entre baptisés est-il véritablement, ipso facto, sacramentel ? Le Code lui-même admet que seuls sont sacramentels les contrats " valides " entre baptisés. Il faudra poursuivre la réflexion sur ce que signifient exactement les mots " valide " ou " invalide ". Ou encore : " Quelle sorte d'incroyance a comme effet l'absence du sacrement ? "

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Une réadmission aux sacrements ou un nouveau mariage religieux ne peuvent avoir lieu que sur la base d'un procès en nullité mené véritablement à son terme. C'est ici que s'ouvrent de nouvelles perspectives, dans la mesure où le can. 1536 § 2 considère les dépositions des parties (sous forme d'aveu ou de déclaration) comme des preuves centrales. Il n'est pas encore clair, dans la pratique de l'Église, si, grâce à cela, on atteint réellement davantage de justice ou une plus juste recherche de la vérité dans le cadre actuel des procès de nullité de mariage.

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Richard Puza