Jean-Marie Mayeur et al. (dir.), Histoire du christianisme

T. 13, Crises et Renouveau (de 1958 à nos jours), Paris, Desclée, 2000, 794 p.

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Le tome 12 (1914-1958) de la collection Histoire du christianisme nous avait laissé à la fin du long pontificat de Pie XII. Ce treizième tome débute logiquement avec le pontificat de Jean XXIII et le concile Vatican II.

1

Le Concile occupe toute la première partie qui est rédigée par deux professeurs de Louvain, Roger Aubert et Claude Soetens. La périodisation est conditionnée par le tome précédent, mais il aurait peut-être été utile de revenir sur une partie des mutations ecclésiologiques et liturgiques qui s'opérèrent entre les années 1930 et 1960 afin de cerner davantage le contexte idéologique de Vatican II.

2

La deuxième partie, consacrée au christianisme européen post-conciliaire, est l'œuvre de Jean-Marie Mayeur (Paris IV), Jean-Paul Willaime (EPHE) et Christoph Theobald (Paris, Centre Sèvres).

3

Les aspects strictement canoniques sont concentrés au chapitre un (" La papauté après le concile "), sur une dizaine de pages. On trouvera tour à tour, sous la plume de Jean-Marie Mayeur : l'institution du synode des évêques (1965) ; les réformes curiales (const. apost. Regimini Ecclesiae universae de 1967 et const. apost. Pastor Bonus de 1988) ; les étapes de la révision du Code de droit canonique de l'Église latine (1983) ; la codification orientale (Code des Canons des Églises Orientales de 1990) et la modification du can. 750 par le motu proprio Ad tuendam fidem (1998).

4

La consultation de ce chapitre pourra être suivie de celle du chapitre 4 (" Les cadres de la vie des Églises ") relatif aux ministères et au laïcat. On y rencontre un exposé succinct sur la crise des vocations dans l'Église catholique romaine, qu'il est intéressant de placer en vis-à-vis des difficultés dans le pastorat protestant. Concernant le laïcat, tant le déclin de l'Action catholique que l'essor des mouvements qui sont nés dans son environnement sont largement présentés. On notera au passage que le rappel du parcours historique de l'Opus Dei, qui peut se résumer à une incessante " mise en conformité " du statut canonique avec son vécu pastoral, n'est déjà plus tout à fait de l'histoire, mais bien une incursion sur le terrain canonique. Dans le chapitre 5 (" Attitudes religieuses et formes de religiosité ") le recours au support statistique et au sondage par le sociologue des religions Jean-Paul Willaime, pour appuyer l'argumentation, est très stimulant, les données fournies étant récentes (milieu des années 1990)

5

Bien qu'il faille admettre que l'intérêt de l'ouvrage n'est pas là, on remarquera que les auteurs se penchent peu sur la réception des réformes conciliaires dans la codification canonique de 1983 dont il eût été intéressant, en le plaçant à côté du code de 1917, de mettre en lumière les évolutions et les résistances. Ils ne s'étendent pas davantage sur les problèmes posés par l'évolution des mœurs et les mutations de la famille, les ordinations de femmes dans l'Église anglicane, ou encore la liberté du chercheur en matière de sciences religieuses (ces deux derniers points étant évoqués succinctement lorsqu'il est question de Ad tuendam fidem), etc.

6

Si l'ensemble de ce tome démontre combien le christianisme fait corps avec l'actualité, est au centre de multiples événements socio-politiques, c'est plus spécifiquement la troisième et dernière partie qui nous confronte aux tensions évoquées en introduction : d'un côté la croissance et l'optimisme des pays du monde " atlantique " et de l'autre les crises socio-politiques du Tiers-Monde. S'il n'est nul besoin de démontrer la crise du christianisme dans une Europe occidentale prospère, il est fort intéressant d'aller à la rencontre d'un christianisme aux multiples expressions. Jerzy Kloczowski (Lublin) et Catherine Mayeur-Jaouen (Paris-Sorbonne) s'intéressent au catholicisme gréco-catholique en Europe centrale et au Moyen-Orient. Kathy Rousselet (CNRS) traite de l'orthodoxie en URSS et dans les pays de la CEI, en insistant beaucoup sur les rapports Église/État. Olivier Compagnon (Toulouse-Le Mirail) s'intéresse au christianisme latino-américain. Ce chapitre est à rapprocher sans doute du chapitre 4 de la deuxième partie : Olivier Compagnon évoque tour à tour la théologie de la libération, l'attitude de la hiérarchie ecclésiastique face aux régimes de sécurité nationale, le laïcat politiquement engagé, opusien ou charismatique, et enfin l'implantation pentecôtiste. Enfin, Claude Prudhomme (Lyon II) et Jean-François Zorn (Faculté de théologie protestante de Montpellier) évoquent les missions en Afrique, Asie et Océanie, continents où le christianisme doit souvent composer avec l'enracinement d'autres religions, monothéistes ou non. Ce tome est donc indispensable, ne serait-ce que pour cette troisième partie qui présente un christianisme dont on soupçonne trop peu l'extraordinaire richesse et les multiples potentialités.

7

Faire un ouvrage ambitionnant de parler d'un passé qui est encore familier, sans disposer d'un recul suffisant pour analyser la situation, est un exercice délicat d'histoire " immédiate ", mais fallait-il en faire l'économie ? On répondra ici par la négative tant les synthèses historiques et sociologiques sur le christianisme contemporain font défaut (cf. la publication de la Storia del cristianesimo en plusieurs volumes de Giovanni Filoramo et Daniele Menozzi).

8

Comme les douze tomes qui le précèdent, cet ouvrage, qui relate une histoire du christianisme inachevée, demeurera en matière d'histoire et de sociologie religieuses un instrument de travail de référence pour tout étudiant, chercheur et enseignant, quelle que soit sa discipline.

9

Laurent Kondratuk