Charles Munier, L'Apologie de saint Justin, philosophe et martyr

Fribourg (Suisse), Éditions universitaires, 1994, collection Paradosis 38, xxv et 174 p. ; Saint Justin, Apologie pour les chrétiens, édition et traduction, Fribourg (Suisse), Éditions universitaires, 1995, collection Paradosis 39, vii et 151 p.

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Dans le premier de ces deux volumes, l'A. présente saint Justin, le plus important des apologistes chrétiens du iie siècle. Il dresse un bilan des études consacrées à l'Apologie, avec la bibliographie correspondante (p. ix-xxv), et établit le status quaestionis des problèmes posés par cet écrit. Il rappelle les circonstances dans lesquelles saint Justin a été incité à rédiger cette défense des chrétiens et définit le genre littéraire qu'il fallait adopter pour être entendu. À cette occasion, l'A. expose de façon éclairante la situation des chrétiens dans l'Empire romain au temps d'Hadrien (138-161) et d'Antonin (161-180), l'attitude du pouvoir, de l'administration et de la population envers cette nouvelle religion, les réalités juridiques et l'application des lois prévoyant des poursuites à son endroit (p. 14-28). Plusieurs chapitres sont consacrés aux aspects littéraires, philosophiques, historiques et théologiques de l'œuvre de Justin. Comme d'autres documents de cette époque antique, où la littérature chrétienne était loin d'être spécialisée en fonction de disciplines définies, l'Apologie intéresse incidemment l'histoire des institutions. En l'occurrence, le témoignage de Justin est très précieux, à cause de sa rareté, tant à propos de l'institution baptismale et des assemblées dominicales, qu'à propos de la configuration d'une Église romaine à peine formée. L'A. exploite de façon très éclairante les indications suggérant une structure pastorale collégiale et la multiplicité des assemblées (p.†128), selon les possibilités de réunion dans cette gigantesque mégapole et la variété des groupes ethniques dont étaient issus les chrétiens. La prise en compte de ces réalités a également guidé le travail de traduction, dans le second volume. Ainsi on constate avec satisfaction qu'au début de l'évocation des assemblées eucharistiques (Apologie [I],67,3) le traducteur a évité l'interprétation restrictive, hélas habituelle, " tous¼ se réunissent en un même lieu ". En effet, la locution epi to auto a été privilégiée dans le Nouveau Testament pour qualifier les réunions des chrétiens (voir I Cor. 11,20 ; 14,23 ; Act. 1,15 ; 2,1.44). L'accent n'est pas mis sur l'unicité du lieu de réunion, mais sur sa dimension communautaire : se réunir ensemble. De la sorte, la traduction de M. Munier reflète plus fidèlement la situation particulière de Rome, dont on ne peut imaginer que tous les chrétiens se seraient regroupés en une assemblée unique, alors qu'ils ne pouvaient même pas disposer de grandes salles. Ce détail suffit déjà à manifester tout l'intérêt de cette nouvelle traduction, plus conforme à la langue des Pères. Mais la thèse la plus stimulante est certainement la démonstration en faveur de l'unité de l'Apologie de Justin et le rétablissement, dans ce qu'on considérait comme la seconde Apologie, de l'ordre des chapitres, que des éditeurs précédents avaient bousculé (premier volume, p. 152-154). Conséquence logique, l'A. a mis en place une numérotation continue, surmontant l'habituelle distinction en deux Apologies, tout en continuant à indiquer en sus l'ancienne numérotation, pour des raisons pratiques évidentes.

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Marcel Metzger