Éric Baratay, L'Église et l'Animal (France, xviie-xxe siècle)
Paris, Éd. du Cerf, 1996, 382 p
Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).
En 1665, un curé du diocèse de Clermont-Ferrand portait le Saint-Sacrement dans une ferme assez éloignée ; il faisait porter un fusil par son clerc et, découvrant du gibier en cours de route, il quittait le Saint-Sacrement et, les armes à la main, poursuivait sa proie (p. 112). En 1695, l'évêque d'Auxerre expliquait : " Les figures d'animaux étant plus capables d'offenser les yeux des fidèles (dans les églises) que de les exciter à la dévotion, nous avons eu soin de les faire ôter dans le cours de nos visites. " Mais déjà en 1668 un archidiacre du diocèse de Chartres avait fait enlever une statue équestre de saint Martin, parce que " le cheval tournait le derrière au Saint-Sacrement " (p. 132). Au cours du xviie siècle on commence à juger aberrantes les excommunications d'animaux, mais les lâchers de colombes le jour de la Pentecôte ne commencent à disparaître qu'un siècle plus tard (p. 137-138). L'A. rapporte de nombreux faits de ce genre, qui viennent égayer un propos que la seule rigueur des statistiques aurait rendu austère. Son étude est rigoureuse, précise et fouillée, dans les limites fixées, que le titre indique clairement et dont il justifie le choix (p. 7-9). Dans l'introduction il expose sa méthode et présente le domaine étudié : par Église il entend, pour l'époque retenue, l'institution officielle dans ses déclarations et dans l'iconographie des églises et des ouvrages religieux, mais tout au long de son parcours il informe sur la réception de ces orientations par la masse des fidèles. Il distingue quatre périodes aux frontières mouvantes. La première (v. 1600-1670) place l'animal juste en dessous de l'homme et voit en lui un intermédiaire dans la relation avec Dieu. La seconde période (vers 1670-1830) est guidée par la Réforme catholique et la séparation entre le monde matériel et le monde spirituel, elle dévalorise l'animal et le rejette hors de l'univers sacré (le cheval de saint Martin et les colombes évoquées plus haut !). Dans la troisième période (v. 1830-1940) les clercs oscillent entre la fidélité aux sentiments antérieurs, le retour à ceux des débuts du xviie siècle et l'adoption de conceptions nouvelles. L'époque actuelle (depuis 1940) connaît un éclatement dans le monde catholique entre une tendance majoritaire réalisant un détachement sensible vis-à-vis de l'emprise des cycles naturels et une autre, minoritaire, approfondissant une volonté de protection issue de la période précédente. Ces attitudes sont influencées par les représentations philosophiques, culturelles, scientifiques et économiques autant que théologiques. C'est ce que l'A. démontre d'une façon magistrale, en livrant une mine d'informations sur le cadre de la vie chrétienne pendant ces périodes. De la sorte, il ouvre des perspectives éclairantes non seulement sur la place des animaux dans la conscience catholique, mais encore sur la manière dont les lois, règlements, mandements et autres actes de l'institution ecclésiastique ont été reçus par les chrétiens de la base. |
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Marcel Metzger |