Jean Gaudemet, Les Naissances du droit

Le temps, le pouvoir et la science du droit. Paris, Montchrestien, 1997, in-8° , viii-369 p. (Domat droit public)

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Le titre de l'ouvrage : Les naissances du droit, surprend le lecteur non averti. Bien qu'il n'en saisisse pas de suite toute la portée, il se rend compte qu'il s'agit d'un sujet vaste, difficile, complexe. En effet, les questions posées sont diverses : Qu'est-ce que " le droit " ? D'ou vient-il ? Comment se forme-t-il ? Pourquoi toute société exige-t-elle un droit ? Qui le crée, qui l'impose, en vertu de quelles procédures, au nom de qui ou de quoi ? Autant de questions dont les réponses ne sont pas aisées, si l'on veut dépasser le cadre d'une simple analyse de situation actuelle dans les différents pays, analyse qui ne peut pas donner de réponse satisfaisante. Pour y répondre de manière adéquate, il faut disposer d'une longue expérience du droit et de son histoire dans les diverses civilisations à travers les siècles. C'est bien le cas de Jean Gaudemet. Il a derrière lui plus de soixante années d'étude, d'enseignement et de recherche dans le domaine du droit. Il est familiarisé avec les droits de l'antiquité, plus spécialement avec le droit romain ; il connaît parfaitement le droit canonique et il domine les droits modernes et leur histoire. Ses publications dans ces différents domaines sous forme de monographies et surtout d'articles dépassent facilement le chiffre de trois cents. C'est dire qu'il disposait de tous les éléments pour traiter le sujet. Ce qu'il nous livre dans cet ouvrage, c'est en somme la réponse que sa féconde carrière de juriste et d'historien du droit lui a permis de fournir à la question : Qu'est-ce que le droit ? D'où vient-il ? Le volume, qui contient près de quatre cents pages d'une impression serrée, met à la disposition du lecteur une documentation qui fait l'admiration, d'autant plus qu'elle tient compte des toutes dernières publications dans les différents domaines et périodes étudiés.

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Il ne peut être question de donner un aperçu, même très succinct, du contenu de l'ouvrage. Nous devons nous contenter d'indiquer les grandes lignes du plan adopté et des questions traitées. La matière est répartie sur trois parties. Dans la première, intitulée : Un droit sans juriste, l'auteur donne une vue sur les témoignages d'une législation au cours des âges. Les premiers témoignages sont tardifs ; ils ne remontent pas au-delà de la fin du iiie millénaire : les Codes et les lois de Mésopotamie, la Bible ; c'est le droit venu des cieux. Puis les poètes et les philosophes commencent à dire le droit et, finalement, c'est le temps qui est fondateur du droit. L'auteur suit les grandes étapes de cette formation dans l'Orient et la Grèce antique, à Rome, durant le moyen âge occidental et à l'époque moderne et contemporaine. La deuxième partie est consacrée au Législateur, car en fin de compte c'est le Pouvoir qui fait la loi. Même à l'époque où le droit était dicté par les dieux, ce sont les hommes qui l'écrivaient, qui en étaient les rédacteurs. C'est l'immixtion du Pouvoir, sous les différentes formes, dans la création de l'ordre juridique que l'auteur analyse, dans cette troisième partie, depuis l'ancien Orient jusqu'à l'époque contemporaine (1789-1950) en passant par la Grèce, Rome, le haut moyen âge occidental et la longue période du xie au xvie siècle. Dans cette partie, le droit canonique tient une place qui mérite d'être relevée. Dans la troisième partie, sous le titre : Les Orfèvres, l'auteur évoque les " juristes " ; car ce sont eux qui formulent la règle, enseignent son usage, l'appliquent, veillent à son respect ; sans eux, le droit ne serait pas. Bien sûr, il y a beaucoup d'inconnus, surtout dans l'antiquité. Avec Rome, le berceau du droit (cunabula iuris), ils commencent à être connus. Au moyen âge avec la naissance des Universités, à l'époque moderne et contemporaine, des noms émergent et retiennent l'attention plus que d'autres. L'auteur leur fait une place dans la mesure de leur importance. Dans ce cadre, le canoniste aura plaisir à y trouver des noms qui lui sont bien connus : Roland Bandinelli, Rufin, Étienne de Tournai et bien d'autres. Bref, un ouvrage d'une richesse et d'une densité exceptionnelles à divers points de vue.

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René Metz