Gaetano Lo Castro, Les Prélatures personnelles

Aperçus juridiques, trad. de l'italien par D. Le Tourneau et J.-P. Schouppe. Paris, Beauchevain / Frison-Roche / Nauwelaerts, 1993, 206 p

 

Hinweis: Diese Rezension übernehmen wir mit freundlicher Genehmigung aus der Revue de droit canonique (Strasbourg).

 

Résolument engagé dans la défense de l'Opus Dei, Gaetano Lo Castro publiait un ouvrage entièrement consacré au cas très particulier de la prélature personnelle en droit canonique aux éditions Giuffrè en 1988. La récente traduction française de Dominique Le Tourneau et Jean-Pierre Schouppe dessert malheureusement son projet. Laborieuse, elle comporte des erreurs incompréhensibles et semble avoir été quelque peu hâtive : le code de 1983 n'est pas un droit réformé (p.7). Le style est souvent lourd, trop littéral, voire ampoulé : " l'utilité " peut-elle s'être " affirmée d'enrichir l'ordonnancement canonique de nouvelles structures juridictionnelles " (p.9) ? Ces défauts ne sont malheureusement pas rares.

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G. Lo Castro, qui enseigne le droit canonique à l'Université d'État La Sapienza de Rome, revient sur la question du statut controversé de l'Opus Dei dans cet " ordonnancement ", pour reprendre l'expression des traducteurs. On retrouve les têtes de chapitres un peu abstraites de la première version où il développe sa théorie de la prélature personnelle au fil d'une réflexion qu'il veut avant tout méthodologique. Le premier chapitre, précisément " méthodologique ", cadre la question par le rappel de quelques principes fondamentaux en droit canonique : la signification des actes normatifs et leur interprétation, les rapports entre normes générales et normes particulières. On a évidemment en perspective la Constitution apostolique Ut sit par laquelle Jean-Paul II érigeait la Sainte Croix et Opus Dei en prélature personnelle le 28 novembre 1982. Un second chapitre intitulé " aspects critiques " traite en réalité de certaines critiques (de chercheurs que l'auteur répugne à nommer dans son texte et avec lesquels il poursuit un dialogue critique assez fouillé) sur la capacité des laïcs à adhérer aux prélatures personnelles. On voit là comment Lo Castro s'applique à généraliser ce qui n'est, de l'avis de certains, qu'une exception d'une certaine manière contradictoire. On lui saura gré en tout cas d'inviter les juristes à une " maturation pratique (c'est à dire orientée vers la praxis) de certaines convictions ecclésiologiques " qui les conduisent parfois à d'autres contradictions (la négation des laïcs comme acteurs à la poursuite de finalités apostoliques et pastorales, p. 101, par exemple). La " reconstruction théorique " proposée au chapitre III intéressera ceux qui réfléchissent à l'institutionnalisation du droit dans l'Église, qu'ils soient ou non " institutionnalistes ". Pour décrire le processus d'élaboration de ce droit spécifique des prélatures personnelles dont seule jouit pour l'heure l'Opus Dei, l'auteur utilise à plusieurs reprise l'expression " vêtement juridique " (p. 162 par exemple). Si on le suit dans ses conclusions " problématiques " au chapitre IV, on ne manquera pas de se demander jusqu'à quelles autres réalités pastorales peut s'étendre cette créativité juridique et à quelles conditions, surtout si l'on considère que le droit ne se contente pas de les habiller ?

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Rappelons que A. De Fuenmayor, qui commentait positivement cet ouvrage dans Ius ecclesiae en 1989, fait le point sur ces questions avec Gomes-Iglesias et Illianes dans le Münsterischer Kommentar zum Codex Iuris Canonici (Beihefte 11, Essen, Ludgerus, 1994) avec un petit dossier intitulé Die Prälatur Opus Dei. Zur Rechtgeschichte eines Charismas. Darstellung, Dokumente, Statuten et que F. Messner donnait déjà la dimension du problème dans Conflit de pouvoir dans l'Eglise : la prélature personnelle au service de l'Opus Dei dans la revue Praxis juridique et religion en 1985.

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Jean-Luc Hiebel